Poèmes de montagne

S’oublier l’Un à l’Autre

Oublier ces longs jours monotones,
Mille soucis futiles où l’on se vautre.
Prendre sa liberté comme une aumône,
Et partir…

Dépouillés des dures certitudes,
Emprunter à la montagne immense
Ses multiples sentiers de solitude,
A chaque pas trouver sa délivrance.
Rebondir…

Marcher encore, monter et s’élever,
Pour se laisser lentement reconstruire,
Monter encore et se désentraver;
Et touchant au sommet, s’enorgueillir,
Fortifier…

De fols arômes s’enivrer encore,
De tous les sens se laisser rassasier,
Framboises, myrtilles, parfums multicolores,
Nouveaux trésors des chemins traversiers
S’imprégner…

Ensemble et s’oublier l’un à l’autre,
Conviés au banquet gigantesque,
Dénouer tous nos fastes grotesques,
Ensemble… s’oublier l’un et l’autre…

                               Retour

En échappant têtu, à la plaine landaise,

Sous la voûte aiguillée qui court à l’infini,

Délivré matinal, de la nuit bordelaise,

Je me laisse glisser vers les sommets bénis.

Comme le fil de soie tendu par l’araignée

Qui s’étire toujours pour toujours revenir,

Je vibre de ce mal qui me fait tant saigner

Qui me caresse l’âme et la fait resplendir.

Enfin s’étale au loin la plaine de l’Adour,

Je cherche à délier aux brumes confondues

Mille douceurs secrètes, les formes et les contours

Qui me comblent toujours d’un plaisir assidu.

Et Pyrène au levant s’enveloppe de braise

Pour s’offrir toute entière, faire cérémonie,

D’une douce lumière aux lueurs qui me plaisent,

Me gratifie enfin d’une nuit d’insomnie,

En échappant têtu, à la plaine landaise,

Sous la voûte aiguillée qui court à l’infini.

les 4 saisons:

PRINTEMPS

Aux premiers jours de Mars la douceur matinale,

D’un souffle de velours caresse la montagne,

Efface doucement la blancheur impériale

Qui l’avait momifiée sous la blancheur d’un pagne.

Les arbres dépouillés sortent d’un mauvais rêve,

D’un long sommeil glacé. Et pour renaître au monde,

De leurs bourgeons gonflés par les poussées de sève,

Vont faire hymne à la vie, à la terre féconde.

Sur les prés réchauffés par les premiers rayons,

Des tapis d’un vert cru de multiples hayons,

Trahissent la naissance des premiers mousserons

Blottis frileusement dans l’épais molleton.

Heureux de dérober un nid pour sa couvée,

Comme un pirate fier qu’un trésor a trouvé,

Le coucou par son chant égaye la contrée,

Invitant près de lui la belle rencontrée.

Sorties des bergeries où l’hiver les cloîtrait,

Les brebis confinées depuis de trop longs mois,

S’enivrent d’herbe grasse et se saoulent d’air frais,

Gambadant follement à l’orée du sous-bois.

Le berger, l’oeil inquiet, sur son bâton courbé,

Suit avec attention ses plus jeunes agneaux,

Fous comme des enfants qui pourraient succomber

Aux multiples dangers qui guettent le troupeau.

Aussitôt qu’apparaissent, poussés du Mount Agut,

D’épais nuages lourds, venus de Gavarnie,

A l’aide de son chien, dans un patois aigu,

Le pâtre protecteur rentre sa colonie.

Dans le ciel obscurci, la lune vagabonde

Fait poindre dans les prés et le long des sentiers

Les tout premiers crocus et les jonquilles blondes,

Comme un enchantement de baisers par milliers.

F E N A I S O N S (été)

De son sommet l’Ayré me donne des nouvelles

De ceux qui avant nous ont caressé ses flancs

De leurs râteaux de frênes, d’un geste nonchalant,

Coiffés de leur béret et ceints de leur flanelle.

A la pointe du jour, d’un geste généreux,

La lame de la faux tombe le foin vivace,

Enivrant alentour un parfum vert et bleu,

D’un rythme cadencé l’herbe haute s’efface.

Prenant la pierre humide dans son étui corné,

Le Toy lève la faux, d’un oeil noir et borné,

Caresse le métal d’une rude vigueur,

Avant que de reprendre le geste du faucheur.

Quand le soleil nous darde de ses rayons d’acier,

On s’allonge, on se vautre à l’ombre des bouleaux,

Sur la vieille  » paillère » mille fois rapiécée,

Pour boire la piquette coupée d’un filet d’eau.

Les ventres rassasiés, les visages se ferment

Dans de puissants soupirs. Le béret sur le nez,

La chaleur a vaincu ces corps désordonnés

Que rien ne vient troubler dans ce décor en berne.

Mais il faut bien tourner l’herbe qui déjà sèche,

Alors tous les râteaux s’activent à nouveau,

Faisant voler le foin comme cheveux en mèches,

En ordre dispersé, progressant par morceaux.

Les femmes font les tas pour charger la « saoumette ».

On les prend à brassées, on les range sur l’outil,

Veillant à tout instant de n’en pas perdre miette,

Hissant ce lourd fardeau sur un aîné viril.

C’est alors que dressé, l’instable chargement,

Va descendre les prés en se dodelinant,

Evitant les rigoles, contournant les cailloux,

Jusqu’à cette « lountère » qu’il faut franchir debout.

Quand la soirée fraîchit on roule les andins,

On fait la place nette. Dernier coup de râteau.

On descend au bistrot, on rêve des copains,

D’un verre de vin blanc, d’une partie de tarot.

Le jour a été long, les filles ont mal aux mains.

Il y a fête au village et l’on chante à tue-tête.

Les vieux sont accoudés à l’unique buvette,

Brûlés par le soleil et pensant à demain.

On se lèvera tôt, avec un mal de tête,

Le « saquet » sur le dos on reprend le chemin

Des granges isolées pour enfermer le foin,

Car l’hiver sera long… Faut bien nourrir les bêtes.

                                               AUTOMNE EN PAYS TOY

Le frêne en dévêtant sa parure estivale,

Offre son tronc noueux, pauvre corps décharné,

Aux premiers jours d’automne, à la bise glaciale

Et n’est plus que fantôme, squelette infortuné.

Sa feuille a recouvert le caillou du sentier

D’un épais molleton doré pourpre et violet

Où traîne bruyamment le badaud forestier,

Effrayant l’écureuil et le rossignolet.

Les brebis rassemblées dans les hauts pâturages

Achèvent leur errance au goût de liberté.

Leur clochetis cuivrés, dans ce décor sauvage,

Animent la vallée de leur son granité.

Le chien dresse une oreille à la voix du berger,

Guettant l’ordre du maître d’un oeil intelligent,

Pour guider le troupeau et pour le bien ranger,

Ordonner chaque bête tout en la ménageant.

Délaissant le chemin, contournant les bosquets,

Girolles et morilles se trouveront peut-être.

C’est un réel bonheur, lorsqu’au détour d’un hêtre,

Son oeil est retenu par un précieux bouquet.

Dans la petite grange la place est déjà nette,

Le fumier est sorti et la litière est prête

Pour accueillir, soigner et bien tenir au chaud,

Le bélier, la brebis et son petit agneau.

Le jour de tous les Saints, au petit cimetière,

On voit la vieille veuve côtoyer l’héritière,

Elevant leur prière dans la communauté

Avec des mots d’amour bassement chuchotés.

Les chrysanthèmes en fleur égaient la vieille église

Que les femmes en noir, dans un silence intime,

Viennent offrir à ceux qu’elles immortalisent

Auprès de l’Eternel, pour marquer leur estime.

Dans l’épaisseur du bois, bien après la lisière,

La tronçonneuse au loin, dans un grand cri plaintif,

Donne le coup de grâce au chêne centenaire

Qui cède la clarté au jeune arbre natif.

Dans les prés, les enclos des brebis enfermées,

Dessinent sur le dos de la montagne verte

Un échiquier géant dont elle s’est couverte,

Lui prêtant un habit d’arlequin costumé.

Bercé par le frisson de ce doux vent d’automne

Que joliment ici on nomme Ballaguère,

Je me laisse chauffer par la faible lumière,

Les yeux sur les sommets où l’esprit s’abandonne.

BLANCHE SAISON (hiver)

Derrière les sommets, l’astre du jour à peine,

Glisse quelques rayons avec parcimonie,

De la vallée profonde jusqu’en haut de la chaîne,

Dans une lueur froide d’un être à l’agonie.

 

La montagne rougeoie et les crêtes s’embrasent

Quand aux feux du couchant, les dernières brebis

S’attardent dans les prés, broutant avec phobie,

Avant que les flocons ne couvrent l’herbe rase.

 

Le village assoupi sous son épais manteau,

D’une blancheur feutrée d’ensevelissement,

Exhale les panaches des multiples fourneaux

Qui dans chaque foyer brûlent douillettement.

 

Sous le toit lambrissé de la grande demeure,

Blotti au fond de l’âtre sur le vieux banc de chêne,

Grand-père aux yeux rieurs, l’allure souveraine,

Laisse filer le temps, les minutes qui meurent.

 

Le bruit de la coquelle, sur le gros bigourdan,

Berce sa somnolence dans le chuintement

D’une épaisse vapeur dont l’odeur se répand

Et flatte sa narine de son embaumement.

 

A travers la fenêtre perlée de fins cristaux,

La vallée de Barèges ouvre un large sillon,

Permet de se glisser entre les hauts plateaux

De Sers et de Lumière avec admiration.

 

Les sapins saupoudrés d’une blancheur sucrée

Laissent ployer leurs branches vertes aiguillées

Jusqu’aux premiers rayons qui les fassent égoutter

Et battre de leurs ailes, comme pour s’envoler.

 

Il n’y a pas de nature qu’on puisse appeler morte,

Tout ici est changeant, est un hymne à la vie.

A la dure saison qui fait fermer la porte,

Je frissonne d’émoi tant mon coeur est ravi.

 

A ta mémoire … grand-père

Sous l’énorme bâton

Qui te sert de levier,

Faisant goutter ton front,

Tu as su défier

L’immense bloc de gré,

Roulé le long des prés.

 

Pour te faire un abri

Des rudesses du temps,

Pour soigner tes brebis,

Protéger tes enfants,

Tu bâtissais toujours

Avec peine et amour.

 

Les heures ni les jours

Ne sont guère comptés.

Tu vis dans l’irréel,

Et comme un immortel

Ton travail est amour…

Frappé d’éternité.

 

Tes brebis paissent au loin,

Sur les versants pentus.

Tu as rentré ton foin

Pour l’hiver attendu.

Courbé sur ton bâton,

Le béret sur les yeux,

Ta vie n’a de raison

Que dans l’hommage à Dieu.

AYRE

Toi dont le joli nom

Inspiré par Eole,

Te laisse caresser

Par la tempête folle,

Par la bise glacée

Et les vents polissons.

 

Ta crinière neigeuse

Tutoie le bleu du ciel

Comme une femme heureuse

Fait voler ses cheveux

Et offre ses merveilles

Seule à ses amoureux.

 

Sur ton coteau pentu,

Le vieux funiculaire

Mécanique déchue,

Inutile et vulgaire,

En monstre silencieux

Est offert aux curieux.

 

Ton attitude altière

Intimide tous ceux

Qui depuis la Lountère

Tournent vers toi les yeux

Et caressent l’espoir

De tenir ta victoire.

 

Mais qui te connais bien,

Sait que l’on t’apprivoise.

Tu nous offre en chemin

Des poignées de framboises

De myrtilles, de fraises

Et de senteurs qui plaisent.

 

Quand on pose le pied

Sur ta plus haute roche,

Tu te sais épié

Par tous ceux qui t’approchent,

Et te paies de sueur

Pour offrir ta splendeur.

BOLOU

Frileux le torrent fou qui glisse de la Glère,

Mousse de cristal fin, sculptant son lit de paix,

Parmi les galets ronds, couverts de mousse amère,

Déchire bruyamment ce long silence épais.

Reposant dans tes lacs tu m’offres des miroirs

De peintures glacées brodées de neiges vives,

Où les pics à l’entour projettent leur histoire

Et me laissent rêver de conquêtes fictives.

Univers du pêcheur qui matinalement

Foule ta rive fraîche et connaît tes secrets,

Où la truite furtive se cache en tes tourments

Survivre un jour encore à tes pièges discrets.

Depuis de nombreux siècles et pour des siècles encore,

Ce sang de la montagne s’écoule à l’infini,

Nourrir de ses ruisseaux les prés multicolores,

Abreuver les troupeaux et leur donner la vie.

Frileux, laisse couler ta musique enivrante

Qui m’invite au repos sous le vieux sapin bleu.

Je poserai mon sac et ma vie impatiente

Viderai mes douleurs et partirai heureux.

                                                                                                                  CAMPUS

Campus ma douce amie,

Mon joli paradis,

Tu pleures dans mon coeur

Comme une pluie de fleurs.

Petit coin de montagne

A deux pas de l’Espagne,

De toi je vais rêver

Durant toute l’année.

Campus, toi la plus belle,

Gentille demoiselle,

Encore invite-moi

Pour une danse d’un mois,

Fais moi tourner la tête

Dans la valse musette

Des torrents, des ruisseaux

Et du chant des oiseaux.

Campus, ma colonie,

Tu n’as que des amis

Et de joyeux enfants

Qui montent en chantant.

Tu les prends dans tes bras

De tes champs, de tes bois,

Pour leur faire oublier

Leur vie trop agitée.

Campus rêve charmant,

Petite fleur des champs,

Tu as su me confier

Tous tes plus doux secrets.

Tes parfums délicats,

La fraîcheur de tes bois

M’ont appris à aimer

Celui qui a créé.

Campus, ton joli nom

Plus léger que profond

M’a fait chanter le coeur

D’une douce langueur.

Une chanson magique,

Sans air et sans musique

Fleurit aux lèvres de ceux

Que t’as rendu heureux.

              La Dame de Lumière

                      vvvvvvvvvvv

Happée par les sentiers qui distraient son regard,

Elle se laisse guider, monte toujours plus haut,

Habillée d’inconnu, initiée de hasard,

Elle s’émeut un beau jour d’un Lumineux Plateau.

 

Posées sur une épaule de l’Ayré dominant,

Quelques granges esseulées égaient, belles et coquettes,

Ces prés verts et sereins au repos culminant

Où l’eau, ciel et soleil font une immense fête.

 

C’est ici qu’elle craint d’enraciner sa vie,

D’écourter ses voyages, de poser ses valises,

Laissant couler le temps et calmer ses envies.

 

Elle a le coeur blessé de sa Bretagne fière,

Eblouie, enivrée, la montagne l’a prise.

Elle souffre de bonheur la Dame de Lumière.

 

EDELWEISS

Reine des Pyrénées

Que l’on dit immortelle,

Tu sais illuminer

De toutes tes dentelles

Nos pics majestueux

Erigés vers les cieux.

Sur un coussin de mousse

Dans un creux de rocher,

Pour assurer ta pousse

Tu n’es jamais fâchée

Par les rudes saisons

Qui t’effraient sans raison.

Enivrée de soleil,

Si frêle et si robuste,

Ta corolle en éveil

Dresse fière le buste,

Pour survivre à l’hiver

Et ses crimes pervers.

Ta robe de velours,

Comme un collier de brume,

Te pare en son pourtour

De poussière de lune.

Et sur ton coeur vermeil

D’une douceur splendide,

Une larme de miel

Enlumine, limpide,

Ta grâce et tes merveilles,

Comme un bijou précieux

Sur un sein délicieux.

Oh! reine des fleurettes,

Joliment tu parsèmes,

En couronnant la tête

Des Seigneurs de Pyrène,

Des tresses de lauriers

A nos géants altiers.

            ESPUGUETTES

E puisé, je t’ai vu arriver jusqu’à moi,

S aisi par la beauté, la grâce, l’immensité.

P uisses-tu à jamais frémir de cet émoi !

U nivers sans pareil, d’une telle densité,

G igantesque et puissant, beau et simple à la fois,

U topie d’un seul jour, j’ai voulu t’épater.

E t pourtant je ne suis qu’un tout petit refuge,

averne de montagne, à la chaleur ouatée,

émoin de mille exploits et de mille déluges.

E nivre-toi d’air pur et dit à la vallée:

S éduit par les Espugues, mon coeur s’est emballé.

Maîtresse

Depuis bien trop longtemps je me sens exilé

Loin de toi mon amour, mon coeur s’est effilé,

Une obsession hante ma vie.

Je voudrais partager ta belle solitude,

Sortir de ma carcasse, quitter ses habitudes,

Pouvoir t’offrir mon coeur ravi.

T’avoir tant désiré et puis tout te donner,

Ne sois donc pas ingrate, je me fais pardonner,

Accepte et ne sois jamais fière.

Tu le sais tu es belle, couchée sur l’Ayré,

Caressée par le vent, de soleil inondée,

Fais exploser ton coeur de pierre.

Je sais que si besoin, je peux compter sur toi

Pour me réconforter, je sais que chaque fois,

Tu me rassures avec douceur.

Tu me fais oublier le monde et ses folies,

En m’offrant tous tes charmes les plus jolis,

Du doigt je touche le bonheur.

Je viendrai chaque fois que je peux m’échapper,

M’endormir près de toi et me ferai draper

Dans ta superbe immensité.

Et tu me saouleras comme à l’accoutumé

De ton air apaisant puissamment parfumé

Que j’en serai tout excité.

Mais voilà, ma maîtresse, belle tant désirée,

La ville me retient, mon âme est déchirée

De me livrer à l’adultère.

Tu connais mieux que moi l’objet de mon tourment,

Et tu sais bien que je ne peux faire autrement

Que t’implorer: O ma Lountère !

           MATINS

TTTTTTTTTTTTTTT

Les matins guillerets quand l’Ardiden s’allume,

L’esprit ensommeillé, tout barbouillé de nuit,

Je me vautre douillet sur cette mer de brume

Qui couve la vallée et l’étouffe sans bruit.

 

Douceur de ces matins aux petits déjeuners,

Parfumés d’herbe grasse et peints de pissenlits,

Sur la terrasse tiède le monde entier renaît:

Je m’ouvre à l’Univers et l’Univers m’emplit.

 

O LOUNTÈRE

O Lountère chérie, où je me sens revivre,

Laisse-moi savourer tes charmes qui m’enivrent,

Loin des fastes indécents et des plaisirs futiles

Qui m’attirent, me rongent comme une fille facile.

Eveille doucement mon corps ensommeillé

Par un raie de clarté posé sur l’oreiller

Et fais-moi oublier l’heure qui m’emprisonne,

Mon agenda noirci et le réveil qui sonne.

Invite mes amis par tes sentiers secrets,

A venir découvrir tous tes charmes discrets,

Oubliant l’autoroute et les vrombissements

Des moteurs de voitures et de leurs hurlements.

Embaume ma narine de tes senteurs de miel

Des bouquets de bruyère épineuse et vermeille,

Laissant à la vallée son haleine fétide

Qui couvre et qui étouffe cette ville putride.

Egaye mon oreille du concert des ruisseaux,

De l’orage qui tonne et de tes chants d’oiseaux,

En faisant dissiper les milles agressions

Dont souffre mon tympan de tant de perversions.

O Lountère chérie, ma belle demoiselle,

Je t’ai voulu parfaite, isolée et sereine,

Belle, robuste et noble, à jamais immortelle,

Au milieu des montagnes, fière comme une reine.

MA PETITE FLEUR

La montagne inondée de soleil se cambrait,

Jetant dans le ciel sa crinière neigeuse.

Si le temps vous presse, ici vous le prendrez !

C’est un lieu si charmant, une vie merveilleuse.

Je laissais mon esprit un peu vagabonder

Sur la jupe plissée de madame Montagne.

Sur ses milles couleurs mon regard se fondait

Comme une source d’eau qui son lit regagne.

Je suivais les sentiers si rarement foulés

Quand je fus arrêté par mon esprit figé.

Et je ne sentais plus qu’un frais ruisseau couler

En mon sang, en mes veines et me réfrigérer.

« Que se passe-t-il donc ? » me demandais-je enfin,

Avant d’apercevoir dans ce tapis vert cru,

Une petite fleur aux couleurs du matin.

Elle n’était pas seule, je ne l’avais pas vue.

« Pourquoi donc s’arrêter devant cette fleur là ?

Il y en a tant d’autres à la fraîcheur égale ! »

Je ne pouvais savoir; elle ne savait pas.

Je disais simplement: »rencontre fatale. »

Je voulus la cueillir, la serrer contre moi,

Mais quand j’eus essayé, mon coeur se mit à battre,

Mes doigts à frissonner; je n’y arrivais pas.

« Bonsoir et à demain », la défaite est trop âpre.

Je ne pus retenir mes larmes qui coulaient.

Mais le lendemain soir, je revenais la voir,

Elle était toujours belle et mon coeur la voulait.

Je la pris tendrement dans la fraîcheur d’un soir.

Lorsqu’à ma boutonnière elle fut accrochée,

Je trouvais l’air plus doux et la vie me sourire.

Et cette petite fleur, si longtemps recherchée,

M’offrira le meilleur, m’évitera le pire.